L’image rappelle celle des retrouvailles entre le président Alassane Ouattara et son prédécesseur, Laurent Gbagbo, le 27 juillet 2021, au bord de la Lagune Ebrié en Côte d’Ivoire. Cette fois-ci, c’est du palais de la Marina de Cotonou au Bénin que la surprise est venue. Le président Patrice Talon et son prédécesseur, Yayi Boni, se sont rencontrés, le mercredi 22 septembre 2021.
Leur dernière rencontre remonte à 2016. Depuis lors, les deux anciens amis se vouaient aux gémonies, depuis qu’une histoire d’empoisonnement de Yayi Boni par Patrice Talon, alors président du Bénin, avait pollué leur amitié. L’inimitié s’était installée entre les deux amis, jusqu’à ce que l’un vienne à succéder à l’autre à la tête du pays en 2016.
Arrivé au pouvoir, les incompréhensions s’étaient approfondies entre les deux, en dépit d’une médiation de l’ancien président sénégalais, Abdou Diouf, pour les réconcilier. Les partisans de Yayi Boni avaient essuyé une répression sanglante des forces de l’ordre. Yayi Boni a été même contraint à un exil médical, avant de regagner le pays.
Cette rencontre entre les deux figures de la scène politique béninoise, à la surprise générale, annonce un signe de décrispation pour l’opposition politique qui connaît une traversée du désert, depuis l’accession de Patrice Talon au pouvoir.
D’ailleurs, Yayi Boni a saisi l’occasion pour demander à son successeur la libération des prisonniers politiques et le retour des exilés. Même si le président Talon ne s’est pas exprimé sur ces doléances, tout porte à croire qu’il y accordera une attention particulière, les jours à venir.
Au moment où il passe son second mandat à la tête du Bénin, Patrice Talon est certainement animé d’une volonté d’apaiser le climat sociopolitique, afin que les Béninois et Béninoises puissent ensemble, appréhender l’avenir avec beaucoup plus de sérénité. En acceptant ces retrouvailles, Patrice Talon et Yayi Boni font preuve d’un sursaut patriotique pour montrer que le Bénin passe avant leurs querelles personnelles.
Cette volonté de parvenir à cette paix des braves dénote que la politique ne saurait se résumer à l’exaltation éhontée de l’égo, au détriment de l’intérêt général. Le président béninois et son hôte, en prenant l’engagement de faire abstraction de leurs malentendus dont les causes profondes étaient inhérentes à une quête de leadership, donnent la leçon que les contradictions ne sauraient constituer un boulet que l’on trainerait au pied.
Il appartient à l’ensemble de la classe politique béninoise d’emprunter le chemin de l’apaisement indispensable à un retour du débat démocratique au pays de Béhanzin.
Il est vrai qu’aujourd’hui, ils sont nombreux à voir d’un mauvais œil la gouvernance de Patrice Talon, parce qu’il aurait travaillé à anéantir ses adversaires politiques, mais l’avenir pourrait lui donner raison d’avoir quelque peu assaini d’une certaine manière, la scène politique béninoise de certains saltimbanques.
En jouant le père fouettard de l’opposition, Patrice Talon aura dans une certaine mesure coupé l’appétit de certains aventuriers politiques qui considéraient le champ politique comme un tremplin pour assouvir des ambitions bassement égoïstes.
Au nom de la démocratie et de la liberté, des individus occupent les scènes publiques, sous nos cieux, sans véritablement apporter quelque-chose de constructif et de structurant dans le débat public. Ils arrivent quelques fois, à se faire élire députés ou maires avec pour seul programme : profiter des petits privilèges.
A l’analyse, l’on pourrait soutenir que c’est à cette catégorie de politiciens opportunistes et sans aucun sens de la responsabilité que Patrice Talon s’est attaqué dans son pays, au point de passer, aux yeux de certains donneurs de leçons, pour un antidémocrate.
L’heure n’est pas encore au bilan de sa gouvernance, mais il viendra un jour, où d’aucuns lui reconnaîtront le mérite d’avoir fait œuvre de salubrité publique dans l’arène politique béninoise. Il n’est certes pas exempt de reproches dans sa façon de faire, mais il a tout même mis fin aux farces de quelques apprentis politiques au Bénin.
Cette nouvelle page qui s’ouvre avec ces retrouvailles entre Patrice Talon et Yayi Boni va certainement permettre à une véritable opposition béninoise de se reconstituer et d’apporter une offre politique plus conséquente et plus cohérente pour le devenir de la nation. L’important réside dans la volonté de chacun de jouer sa partition pour un changement qualitatif du jeu démocratique.
Ahmadou Bayala/Ouaganews