Depuis quelques mois, les colonnes nécrologiques burkinabè s’allongent d’un mal nouveau : celui des évacuations sanitaires qui tournent au cauchemar. Chaque semaine ou presque, une famille pleure un proche parti chercher la guérison hors du pays et revenu dans un cercueil. France, Maroc, Tunisie, Turquie, Inde, Afrique du Sud… les destinations se multiplient, les drames aussi.
Ce qui inquiète davantage, c’est la manière dont ces départs s’organisent. Des intermédiaires, souvent étrangers, parfois locaux, font irruption dans les milieux sanitaires, promettant monts et merveilles : interventions miracles, cliniques prestigieuses, médecins de renommée. Beaucoup se présentent comme représentants de centres hospitaliers, d’agents commerciaux ou de spécialistes en évacuation médicale. Mais à y regarder de près, rares sont ceux qui maîtrisent vraiment les standards médicaux, la déontologie ou même le fonctionnement des hôpitaux où ils envoient les malades.
Pris dans l’urgence de sauver un être cher, des familles burkinabè se laissent convaincre. Elles vendent, empruntent, hypothèquent tout pour financer des soins à l’étranger. Et c’est là que commence l’arnaque. Dès que l’argent est versé, les soi-disant « facilitateurs » disparaissent des radars. À l’arrivée, le malade se retrouve seul, dans des établissements parfois douteux, mal équipés, ou simplement indifférents à son sort.
Pire, certains patients sont traités sans ménagement, victimes de racisme, de négligence ou de maltraitance. D’autres servent de cobayes à des stagiaires. Résultat : une dégradation rapide de l’état de santé, voire la mort. Pour beaucoup, ce sont les soins eux-mêmes qui précipitent l’issue fatale. Des familles meurtries rentrent au pays avec, en guise de guérison, des funérailles à organiser.
Le phénomène prend une ampleur inquiétante. Les nécrologies mentionnant un décès « suite à évacuation sanitaire » sont devenues monnaie courante. Des Burkinabè meurent à l’étranger, parfois pour des pathologies qu’ils auraient pu soigner ici, avec moins de risques.
À l’approche des vacances, nombreux sont ceux qui comptent profiter d’un séjour hors du pays pour se faire soigner. L’intention est louable, mais les risques sont réels. Il faut se méfier des intermédiaires sans foi ni loi, plus préoccupés par les commissions que par la santé humaine. Il faut aussi que les autorités burkinabè prennent la pleine mesure de ce fléau silencieux qui endeuille de nombreuses familles.
Il est temps de poser les bases d’un encadrement rigoureux des évacuations sanitaires. Il est urgent que ceux qui ont les moyens ou expriment le besoin d’aller se soigner à l’étranger puissent le faire sans se faire dépouiller financièrement, ni sacrifier leur vie. Il est surtout vital que le Burkina Faso investisse davantage dans son système de santé pour que l’espoir de guérison ne soit plus obligé de prendre l’avion.
Bilal La-Yaoghin DOOGO
Netafrique