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Message pascal des évêques de la Conférence épiscopale Burkina – Niger : un appel à l’unité et à la solidarité nationale

Fils et filles de l’Eglise Famille de Dieu, hommes et femmes de bonne volonté,

« La paix soit avec vous ! » (Jn 20, 19). Par ces paroles du Christ ressuscité, adressées à ses disciples découragés et désemparés face à sa mort tragique sur la croix, nous vous saluons, vous, fils et filles de l’Eglise Famille de Dieu au Burkina Faso et vous tous, frères et soeurs en humanité. Puisse le Seigneur de toute gloire répandre la lumière de Pâques sur toute l’Eglise Famille de Dieu, sur tous les habitants du Burkina Faso, des autres pays du Sahel et du monde entier !

  • Les fêtes pascales que nous célébrons en ces jours nous offrent l’occasion de vous adresser ce message de solidarité, d’espérance, de paix et de réconfort au moment où notre cher pays, le Burkina Faso, traverse une grave crise sécuritaire qui menace les fondements mêmes de son existence.

Pâques, un évènement source d’espérance

  • La fête de Pâques est celle de la résurrection du Christ à l’occasion de laquelle l’Eglise célèbre le salut de l’humanité et le don d’une grande lumière que Dieu fait aux hommes en Jésus Christ. Cette lumière vient dissiper les ténèbres de nos vies, illuminer et renouveler toutes les réalités humaines et sociales, et nous inviter à nous dépouiller du vieil homme pour renaitre à une vie nouvelle (cf.C01. 3,9-10).
  • La joie de Pâques, certes, ne nous fera pas oublier les problèmes que nous vivons dans nos familles et dans notre pays. Mais le Christ ressuscité vient les transfigurer par sa lumière. En effet, il nous donne la force nécessaire pour les surmonter et pour ouvrir dans nos vies des chemins d’espérance et de renouveau. C’est au coeur de nos réalités humaines faites d’ombres et de lumières que nous sommes appelés à vivre notre joie de ressuscités en Christ et à témoigner de la résilience dont la foi et l’espérance nous rendent capables.

Une situation sécuritaire et humanitaire très préoccupante

  • L’Eglise catholique ne saurait rester insensible à l’ampleur et aux conséquences du drame dans lequel sont plongées les populations de notre pays. Comme nous l’enseigne le Concile Vatican Il, « Les joies et les espoirs, les tristesses et les angoisses des hommes de ce temps, des pauvres surtout et de tous ceux qui souffrent, sont aussi les joies et les espoirs, les tristesses et les angoisses des disciples du Christ, et i/ n’est rien de vraiment humain qui ne trouve écho dans leur cœur. » (Gaudium et Spes n 1).
  • Notre tristesse et notre douleur sont grandes devant cette guerre qui nous est imposée et qui apporte chaque jour son lot de malheurs et de détresses : pertes en vies humaines, déplacements forcés de populations qui fuient les zones de guerre et d’insécurité, fermeture de nombreuses écoles, centres de santé, lieux de culte, destruction de biens et d’infrastructures vitales, etc. Parmi les impacts de la crise, outre les urgences humanitaires, les plus insidieux sont les traumatismes psychosociaux et la banalisation de la vie humaine. Cette situation de détresse qui perdure peut conduire à la fâcheuse tentation de désigner un bouc émissaire. Cest pourquoi, nous vous invitons à rester dignes et confiants, sans céder ni à la haine, ni à la vengeance, ni à la stigmatisation de groupes ethniques, régionaux ou religieux, ni à l’exclusion, ni à la violence quelle qu’en soit la forme.

Nous adressons nos supplications du plus profond de nos coeurs au Dieu compatissant et miséricordieux pour qu’il daigne accorder le repos éternel à tous nos vaillants soldats des Forces de Défense et Sécurité (FDS) et nos Volontaires pour la Défense de la Patrie (VDP), tombés sur le champ de bataille, et à toutes les autres victimes des attaques terroristes. Que le Seigneur tourne vers nous son regard plein de tendresse et console les familles éplorées, en particulier les veuves et les orphelins.

Invitation à un examen de conscience

  • Fils et filles de l’Eglise Famille de Dieu, hommes et femmes de bonne volonté,

Notre pays le Burkina Faso vit une période cruciale de son histoire dans laquelle la responsabilité de tous et de chacun est engagée. Les cris de détresse, les appels désespérés et urgents qui sont lancés à travers le pays vers les autorités administratives, politiques, militaires, coutumières et religieuses nous interpellent tous et nous pressent de faire un examen de conscience sans complaisance. Ces cris et ces appels sont d’autant plus dramatiques qu’ils proviennent de personnes ou de communautés à majorité constituées de jeunes, de femmes et d’enfants représentant les deux tiers de la population du pays, et qui sont en quête de modèles, de repères et de symboles.

  • Les résultats de plusieurs études dont celles menées par l’Eglise catholique dans le cadre du Forum sur la Pastorale et la sécurité révèlent que le phénomène terroriste est favorisé par plusieurs facteurs endogènes et exogènes. Parmi ces facteurs qui nous interpellent tous, nous pouvons citer :

– l’affaiblissement de l’autorité de l’Etat dont la responsabilité est imputable tant aux gouvernants qu’aux gouvernés  la vulnérabilité économique des populations qui se manifeste par une grande pauvreté, un manque de perspectives professionnelles ou d’emploi, et par des problèmes d’accès aux ressources publiques et aux services sociaux de base ,  les dysfonctionnements des cadres de transmission des valeurs favorisant le vivre-ensemble tels que la famille, le système éducatif, les institutions traditionnelles et religieuses ,  l’instrumentalisation des identités culturelles, religieuses et sociopolitiques ;  L’armement et le soutien économique assurés aux groupes terroristes ,

 Les complicités internes avec les terroristes 

Les impacts des rivalités géopolitiques et géostratégiques.

  • Une introspection sincère s’avère nécessaire de la part de tous les fils et filles de notre pays. On observe en effet que les pratiques quotidiennes de beaucoup de nos concitoyens témoignent, malheureusement, du triomphe du culte de l’argent, du pouvoir, des intérêts égoïstes, du favoritisme, du népotisme et de la corruption qui, si nous n’y prenons garde, nous éloigneront de la victoire et entraineront le déclin des valeurs et principes qui ont toujours fait la fierté de la Patrie des hommes intègres.

Appel à l’unité, encouragement à la responsabilité et à la solidarité nationale

  1. Forts de notre espérance en Christ ressuscité, nous vous invitons tous à l’unité, à la solidarité, à la concertation et à la réconciliation entre fils et filles d’une même nation, désireux de donner le meilleur d’eux-mêmes, dans la fidélité à la devise nationale : « Unité — Progrès – Justice ». En effet, nos divisions internes nous fragilisent, ralentissent la reconquête du territoire national et nous empêchent de donner une véritable impulsion à notre développement sans lequel il ne peut y avoir de paix durable.

Nous félicitons les Forces de Défense et de Sécurité (FDS) ainsi que les Volontaires pour la Défense de la Patrie (VDP) pour leur patriotisme, leur sens de la responsabilité et leur détermination à reconquérir l’intégralité du territoire national, à sécuriser les populations et à oeuvrer pour leur retour dans leurs localités d’origine. Nous saluons les actions de ces derniers temps qui nous donnent d’espérer en des lendemains plus tranquilles. Nous encourageons toutes les composantes de ces forces de défense et de sécurité à renforcer la cohésion et l’unité entre elles et au sein de chaque corps, tant il est vrai que l’union fait la force.

Nous adressons également nos félicitations et nos encouragements aux vaillantes populations des villes et des campagnes qui, chaque jour, initient, développent et mettent en oeuvre des actions de solidarité et de partage au profit des victimes des attaques, des personnes déplacées internes, des veuves et des orphelins. En témoignent les multiples collectes et distributions de numéraires, de dons divers en nature, réalisés par des personnes, des associations, des communautés religieuses et coutumières ainsi que par des organisations humanitaires nationales, régionales et internationales. Veillons à ce que les aides parviennent effectivement aux intéressés.

En outre, nous nous réjouissons de constater chez les citoyens en général et surtout chez les plus jeunes, un regain de patriotisme, l’exaltation des valeurs d’intégrité, d’honnêteté et de probité, la dénonciation des actes de corruption, de trafic d’influence, et des comportements d’insouciance et d’arrogance insupportables. Dans l’expression de ce patriotisme et dans la dénonciation des injustices et des systèmes iniques de domination et d’exploitation, nous devons en même temps promouvoir la culture du dialogue, de la non-violence, de la tolérance qui implique l’acceptation de l’autre et de sa différence ainsi que le respect du bien commun.

Nous invitons les gouvernants à poursuivre résolument les réformes nécessaires pour une gouvernance politique et économique plus efficaces et plus équitables et à créer les conditions objectives de mobilisation des ressources humaines, économiques, financières et matérielles en vue d’assurer une meilleure répartition des richesses pour un développement durable au profit de tous. Il est moralement intolérable de continuer à reproduire des modèles de gouvernance politique et économique qui laissent prospérer les pratiques de prédation du bien public et de captation des richesses par une minorité opulente au détriment de la majorité de pauvres privés d’opportunités pour améliorer leurs conditions de vie et devenir pleinement acteurs et bénéficiaires d’un développement intégral.

Comme il nous plait de le rappeler, pour l’Eglise, le développement n’est humain que s’il est intégral, c’est-à-dire s’il vise «à promouvoir tout homme et tout l’homme » (Popu/orum Progressio, n 14 ; Africae Munus, n 70). Dans cette juste compréhension du développement humain intégral, l’objectif vers lequel nous devrions tendre est celui de bâtir un monde plus fraternel qui ne laisse personne au bord du chemin. Des efforts réels de réconciliation dans le dialogue et le pardon doivent nous mobiliser tous en vue de réduire de façon significative la fracture sociale. Ainsi, dans l’esprit de l’Eglise Famille de Dieu que confirme l’encyclique Fratelli Tutti du Pape François, nous devons construire une fraternité et une solidarité universelles pour redonner à tous l’espoir d’une paix durable dans notre pays, dans la sous-région et dans le monde.

Appel à la prière et à l’engagement

  • Fils et filles de l’Eglise Famille de Dieu,

Les Pères conciliaires écrivaient : « Il a plu à Dieu que les hommes ne reçoivent pas la sanctification, le salut séparément, hors de tout lien mutuel ; i/ a voulu au contraire en faire un peuple qui le connaîtrait selon la vérité et le servirait dans la sainteté. » (Lumen Gentium, 9). En nous rappelant la dimension collective du salut, nous sommes également tous appelés à la coresponsabilité. C’est pourquoi, dans notre marche vers la reconquête de la paix au Burkina Faso, au Sahel, en Afrique de l’Ouest et dans le monde, notre engagement collectif sera précieux et déterminant.

  • L’Eglise Famille de Dieu au Burkina Faso est en marche vers son jubilé des 125 ans d’évangélisation dont la clôture aura lieu en 2025. En cette année 2023 consacrée au laïcat, les fidèles laïcs sont particulièrement appelés à témoigner de leur foi dans leur état de vie, à « travailler du dedans, à la manière d’un ferment » (Lumen Gentium, 31). Ils ont pour mission de transformer les réalités temporelles en les vivants quotidiennement à la lumière de l’Evangile.
  • Nous invitons instamment les croyants ou adeptes de toutes les communautés religieuses ou coutumières, en particulier les leaders de ces communautés, à conjuguer les efforts, à renforcer l’esprit de concertation et d’échanges et à intensifier les prières et les oeuvres de miséricorde afin de promouvoir davantage le vivre-ensemble pacifique dans notre pays.

A tous nos frères et soeurs musulmans qui vivent le mois béni du Ramadan, nous souhaitons un bon et fructueux temps de jeûne. Que ce mois soit source d’abondantes grâces pour chacun d’eux, pour toute la communauté musulmane et qu’il soit bénéfique à l’ensemble de notre pays !

Fils et filles de l’Eglise Famille de Dieu et vous tous hommes et femmes de bonne volonté, daigne le Seigneur ressuscité vous combler de sa joie, de sa lumière et de sa paix, pour que vous soyez témoins de sa victoire sur le mal et la mort et que vous soyez artisans de son Règne de justice et de paix ! Par l’intercession de la Bienheureuse Vierge Marie Mère du Ressuscité et de Saint Joseph, Protecteur de l’Eglise universelle, que le Seigneur bénisse le Burkina Faso et nous donne de marcher ensemble sur les chemins d’une paix véritable et durable. Puisse la résurrection du Christ être déjà le signe de la renaissance d’un Burkina nouveau vainqueur des forces du Mal.

Joyeuse Pâques à tous et à toutes !

Vos Pères Archevêques et Evêques du Burkina Faso

Son Excellence Monseigneur Laurent B. DABIRE

Evêque de Dori

Président de la Conférence Épiscopale BURKINA-NIGER

Son Eminence Philippe Cardinal OUEDRAOGO

Archevêque Métropolitain de Ouagadougou

Son Excellence Monseigneur Gabriel SAYAOGO

Archevêque Métropolitain de Koupéla

Vice-Président de la Conférence Episcopale BURKINA NIGER

Son Excellence Monseigneur Paul Y OUEDRAOGO

Archevêque Métropolitain de Bobo-Dioulasso

Son Excellence Monseigneur Lucas Kalfa SANON

Evêque de Banfora

Son Excellence Monseigneur Joseph SAMA

Evêque de Nouna

Son Excellence Monseigneur Joachim H. OUEDRAOGO

Evêque de Koudougou

Son Excellence Monseigneur Der Raphaël K. DABIRE

Evêque de Diébougou

Son Excellence Monseigneur Justin KIENTEGA Evêque de Ouahigouya

Son Excellence Monseigneur Modeste O. KAMBOU

Evêque de Gaoua

Son Excellence Monseigneur Pierre Claver Y. MALGO

Evêque de Fada N’Gourma

Son Excellence Monseigneur Prosper KONTIEBO

Evêque de Tenkodogo

Son Excellence Monseigneur Léopold Médar OUEDRAOGO

Evêque de Manga

Son Excellence Monseigneur Prosper Bonaventure KY

Evêque de Dédougou

Son Excellence Monseigneur Théophile NARE

Evêque Kaya

Son Excellence Monseigneur Alexandre Yikyi BAZIE

Evêque Auxiliaire de Koudougou

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