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[Reportage] Restauration et débits de boissons en période de jeûne : la clientèle a disparu, les ventes ont chuté

Le carême musulman a débuté le 11 mars 2024. Comment marchent les restaurants et les débits de boissons en cette période ? Après vingt- cinq jours de jeûne, nous avons pris le pouls dans le milieu. Les restaurateurs et les vendeurs de boissons sont unanimes, les affaires ont périclité. En attendant le retour à la normale, ils sont résolus à faire contre mauvaise fortune bon cœur.

Au maquis Bozambo bar dancing à Kalgondin, la physionomie est morose. Des chaises qui attendent désespérément des clients, des hôtesses dont les unes dorment, les autres en train de deviser, « Y a pas clients, y a pas marché » crie une d’entre elles. Théodore Ramdé dit « Kenzo » bien connu du milieu du show-biz, est le cogérant de Bozambo bar dancing et de Guitare bar.

Au Bozambo bar dancing, des chaises désespérément vides et Kenzo, le gérant trouve le jeûne de cette année encore plus compliqué, car les ventes sont en chute libre.  

Il nous brosse la situation : « Quand le mois de jeûne arrive, ce n’est pas facile pour nous les tenanciers de débits de boissons de joindre les deux bouts. Comme on l’a surnommée l’équipe A (entendez par là les clients en carême », quand eux ils sont en jeûne, le marché chute totalement, ça ne va pas du tout, on essaie de faire avec l’équipe B (les maigres clients qui continuent à venir), en attendant le retour de l’équipe A », explique Kenzo, qui garde néanmoins, le sourire.

Chaque année, la période de jeûne est difficile, mais il trouve que cette année c’est encore plus compliqué. Pour étayer les difficultés, il avance des chiffres. En temps normal, c’est-à-dire la période hors jeûne, ils peuvent vendre les boissons par jour entre 400 et 500 mille francs, et les weekends, vendredi et samedi, 700 mille, les dimanches communément appelés « le Grand marché », ils peuvent vendre parfois jusqu’à un million six cent mille francs.

Pendant le jeûne, les jours ordinaires, ils font des ventes journalières d’à peu près 150 mille, et les weekends 500 mille francs. Vous voyez que le manque à gagner est énorme, fait-il remarquer. Avec une telle chute dans les ventes, comment le maquis fait-il pour faire face aux frais de fonctionnement et les salaires du personnel ? « Nous diminuons certaines dépenses comme les commandes de glace, au niveau des employés, il y a deux possibilités, diviser le groupe en deux et les gens travailleront 15 jours-15 jours et payés comme tel, ou bien tout le monde continue à travailler tous les jours, mais avec une ponction de 5000F sur chaque rémunération.

Le maquis compte une trentaine d’hôtesses sans compter les autres employés », confie-t-il. Une chose que Kenzo regrette, c’est le long weekend de Pâques qui vient de s’écouler (du vendredi 29 mars au 1er avril). Pour sûr, les maquis auraient dû faire de bonnes affaires, mais hélas c’est tombé dans le jeûne. Le lot des angoisses de la gérance à Bozambo bar est aussi partagé par Mariam Sawadogo dite « la Star », restauratrice à Kamsaonghin. Dans son resto, elle fait beaucoup de variétés : riz sauce, riz gras, soupes, tô, ignames. Avec le carême, elle ne peut plus faire toutes les variétés, et elle a aussi revu à la baisse les quantités à préparer.

Mariam Sawadogo dite la Star, malgré le jeûne et la chute des commandes de nourriture, elle continue à travailler au restaurant (Ph. à g.). – Marcelline Kantiono ne s’alarme pas trop, elle dit avoir même récupéré la clientèle de certains restaurants qui ont fermé aux alentours.

A titre de comparaison, la Star dit qu’en temps normal, elle pouvait vendre entre 75 et 90 mille francs/jour. Mais en cette période de jeûne, les ventes ont chuté entre 15 et 30 mille francs. Elle affirme que ces économies sont englouties et elle se voit contrainte de prendre de petits crédits, qu’il va falloir payer à la fin du jeûne, afin de faire face aux charges. Si certains restaurateurs ont préféré mettre les clés sous le paillasson, à son niveau, elle ne peut pas faire comme ces gens, qui eux, ont sûrement des soutiens ailleurs. « Fermer pendant un mois, et vivre de quoi, dépenser mon capital-bénéfice, non, cela ne m’arrange pas », se répète-t-elle.

En dépit de la conjoncture due au carême, elle n’a pas modifié ses habitudes de travail. Dès 6 heures, elle est au marché, à 10 heures, la nourriture est prête. Quant à Marcelline Kantiono, restauratrice près du marché de Kalgondin, elle fait du riz sauce, riz gras, tô, haricot, sandwichs. Elle reconnaît cette période de jeûne est difficile pour son travail, mais elle « s’en sort et rend grâce à Dieu ». Elle n’a pas jugé nécessaire de modifier ses habitudes d’ouverture de son resto.

Elle trouve même que les restaurateurs et restauratrices aux alentours qui ont fermé, lui ont plutôt rendu service, puisqu’elle a récupéré leurs clients. Même si elle dit ne pas juger l’impact du jeûne trop grand sur son activité, elle a tout de même revu à la baisse les quantités préparées par mesure de précaution. De 6 kg habituellement, elle est maintenant à 3-4 kg.

Mohamed Congo (debout), restaurateur, dit observer lui-même le jeûne, donc il ne peut pas se plaindre que les gens ne viennent plus manger dans son restaurant. – Ce restaurant appartient à une dame, depuis le début du carême, elle a mis les clés sous le paillasson (Ph. à d.).

Chez Mohamed Congo, gérant de resto où on y trouve des spaghettis, du Nescafé, des omelettes, du café au lait, du foie, du beeftech, du sandwich, lui-même étant musulman, par rapport à la situation, il a sa vision, « Depuis le début du carême, il n’y a pas de marché, c’est comme ça, nous sommes des adeptes de l’islam, on ne peut pas se morfondre avec Dieu. Moi-même je jeûne, dans le même temps, je ne peux pas me plaindre que les gens ne viennent pas manger dans mon resto », nuance-t-il.

Contrairement à ses collègues, Mohamed a revu ses horaires de travail, il a reculé l’heure d’ouverture de son resto à 13 h 30, au lieu de 6h 30 habituellement. Mais il trouve que la fermeture n’est pas une bonne solution. Il reconnaît que le resto fonctionne à perte. En temps normal, il s’en sort avec un bénéfice de 2 000F/jour, mais présentement, rien avec le jeûne.

Il révèle que certaines bonnes volontés, parfois de passage, leur donnent de l’argent à cause du jeûne, et cela les soulage. La fin du calvaire c’est pour bientôt. Les restaurateurs et les tenanciers de débits de boissons doivent encore tenir quelques jours. Le Ramadan synonyme de fin de jeûne est probablement prévu pour le mardi 9 ou le mercredi 10 avril prochains.

Barthélemy Kaboré

Ouaganews.net

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